La Sentence

La Sentence

Traduit du Hongrois par Georges Andersen, traduction revue par Georges Baal, le fils de Rose Meller

En 1932 à Vienne, Rose Meller a déclaré, à la police, avoir été victime d’un attentat commis par un jeune nazi. Pourtant, cette sombre histoire lui vaudra trois mois de prison, accusée de diffamation et de fausses déclarations devant l’autorité publique : il ne fait pas bon d’être femme, écrivaine, féministe et juive lorsque Vienne se languit d’Hitler. La sentence, écrit après la guerre, s’inspire assurément de ces éléments autobiographiques : un avocat du parti socialiste autrichien doit défendre un Viennois dans une affaire qui semble banale. Mais c’est sans compter avec la soif de justice de l’accusé, la raideur du juge, la beauté du procureur, c’est sans compter que le jour du procès, Hitler entre triomphalement à Vienne. L’avocat fuit, traverse la France, débarque aux Etats-Unis. Mais ce procès, qui lui semblait si insignifiant, va donner un sens profond à sa vie.
La sentence est un roman bouleversant, à l’instar des bouleversements d’une époque, il conte et raconte ce qu’est une justice en fuite, la fragilité et la force des êtres, le prix du désir de vivre.

À propos

Une autre histoire d’obstination, celle de M. Schmidt, dont le monocle n’a pas été réparé comme prévu, et promis, par l’opticien. Sûr de son bon droit, M. Schmidt ira loin pour que justice soit faite, du moins pour qu’un verdict soit rendu, malheureusement son procès a lieu le jour de l’entrée de Hitler à Vienne. Il ne baissera pas les bras. Il ira jusqu’aux Etats-Unis. C’est son avocat qui raconte. Rose Meller elle-même (1902-1960) a connu des déboires judiciaires dans l’Autriche des années 30, racontés par son fils dans la préface.

Claire Devarieux, Libération


L’écrivaine austro-hongroise Rose (Rozsi) Meller est née à Budapest en 1902. Complètement bilingue, elle y fait ses études secondaires. En 1920 la famille s’installe à Vienne. Rose Meller obtient un doctorat en Microbiologie puis travaille dans un laboratoire médical à Vienne. Ecrit en allemand, son premier roman est publié en 1932. La même année sa comédie satyrique « Leutnant Komma (« Le Lieutenant virgule « ), créée à Vienne par le Studio du Burgtheater, est un immense succès, représentée plus de 100 fois. C’est vers la centième qu’un événement brutal met une fin à la carrière en allemand et la vie viennoise de Meller. Auteur fêtée mais biologiste encore dans un laboratoire, elle est victime d’un attentat au couteau perpétré par un jeune nazi contre  » l’écrivaine juive » au nom de la « Maison Brune ». Nous sommes en fin 1932, dans quelques mois Hitler prendra le pouvoir. Emotion suivie de scandale : quelques jours plus tard, au cours d’un très long interrogatoire par la police, Meller avoue qu’elle a simulé l’attentat et porté le coup de couteau elle-même dans son dos. Immédiatement arrêtée, elle passe plus de trois mois en prison, en détention préventive, accusée de diffamation et de fausses déclarations devant l’autorité publique. Enfin, le tribunal  la condamne à six mois de prison ferme mais la laisse en liberté. Sortie de prison, Meller quitte immédiatement Vienne et, après un séjour de plusieurs mois en France, s’installe à Budapest où elle refait sa vie et continue  à écrire.  Entre temps le Belvárosi Szinház présente Lieutnant Komma (Irja Hadnagy) en hongrois et en fait le plus grand succès de la saison. Son expérience de la prison lui inspire sa nouvelle pièce :  « L’Aveu »  (Vallomás), encore un immense succès. Suivent : mariage, la naissance de son  fils,  plusieurs pièces, jouées avec diverses fortunes ou restées inédites, puis la guerre avec son cortège de mesures antisémites, l’arrivée de l’armée allemande, les nazis soutenus par les fascistes hongrois, la persécution des juifs, le siège de Budapest  et la libération par l’armée russe.

Meller continue à écrire : un roman autobiographique  publié pendant la guerre (tant que c’est encore possible) et, pour son tiroir, plusieurs pièces. La famille survit de justesse et par miracle. dans la clandestinité, avec des faux papiers, se dispersant et se retrouvant, se cachant pendant les bombardements, évitant de quelques heures d’être fusillée et jetée dans le Danube comme les occupants de la maison voisine.  Enfin, l’arrivée de l’armée russe, la Libération, une courte période de démocratie naissante, une dernière pièce représentée, et le court roman, publié en 1947 en hongrois, en allemand et en français, que nous présentons ici. Puis l’idéologie marxiste-léniniste, pure et dure, prend le pouvoir culturel. Meller est exclue de l’Union des Écrivains et « on » la condamne au silence . Ses travaux littéraires, ses pièces de théâtre restent étouffés sous la chape de la dictature culturelle régnante puis sombrent dans l’oubli. Ce n’est que maintenant qu’on tente de la ressusciter.

Rose Meller est morte en 1960 à Budapest. Elle était ma mère.

Georges Baal Balassa, Les mardis hongrois

  • Date de parution : 15 mai 2013
  • ISBN : 9782907337861
  • 16,00 €
  • 13x19 cm
  • 166 pages