Isroël Rabon

L’auteur «Né en 1900 à Gowarczow, près de Radom, en Pologne, Rabon occupe une place à part dans l'histoire de la littérature yiddish, ne serait-ce que par sa réputation très modeste. Il a été redécouvert très tard, à la fin des années 1980, avec la publication en Israël de son roman La Rue (Julliard, 1992). Grandi dans le quartier prolétaire juif de Baluty - Balut en yiddish, comme le titre de son stupéfiant roman -, la banlieue ouvrière de Lodz, Rabon vient d'un milieu très différent de celui de Singer : orphelin de père, voyou dont le frère a dû fuir en Allemagne pour échapper à la police, il a souffert de la faim alors que sa mère mendiait pour vivre. Écrivain asocial, Rabon ne cesse pas seulement de croire à une vie possible dans le shtetl. Il renonce aussi à toute possibilité de vivre dans une communauté humaine. C'est ce que montre Balut avec une force hors du commun : un demi-monde composé de putains, d'enfants abandon-nés, de policiers imbus de leur violence, de parents absents accablés par leur propre misère. La communauté juive prolétaire devient ici une réalité pathétique. Un monde pourri, sale, abject, à des années-lumière du folklore yiddish et dont la seule échappatoire est l'hallucination. Pour s'arracher à ce monde, Rabon est devenu écrivain, critique littéraire et feuilletoniste. Quand éclate la seconde guerre mondiale, il s'enfuit à Vilno, capitale de la Lituanie. On le décrit prostré chez lui, mélancolique. Il abandonne l'écriture, à l'exception de quelques textes où il décrit, sur un ton apocalyptique, les blessés et les morts aperçus lors de sa fuite de Lodz. Les nazis viennent le chercher chez lui en 1942 pour le mener au camp d'extermination de Ponary.» Samuel Blumenfield