Charlie et Guido sont deux pimpants quadragénaires. L’un est psychiatre, l’autre photographe. Ils se retrouvent lors d’une réunion d’anciens élèves. Guido confesse à Charlie qu’il vit une liaison torride avec une femme mariée nommée Aviva. Or, cette dernière est la patiente de Charlie… Entre les deux amis d’enfance débute alors une étrange partition, faite de secrets, de mensonges, de trahisons, de pièges. La grammaire des sentiments est souvent prétexte à de bien pénibles exercices littéraires. Ici, c’est lumineux. Drôle. Passionnant. Car Curt Leviant ne sombre jamais dans ces facilités que sont le voyeurisme ou la pornographie: ce qui l’intéresse, c’est de percer les mécanismes du désir et de l’amour. Journal d’une femme adultère est donc un roman que nous appellerons éroticophilosophicomique. «J’ai écrit ce roman comme une partition, raconte Leviant. Chaque personnage joue son rôle en mineur et en majeur, au point qu’il finit par se perdre et perdre le lecteur: qui aime, qui est aimé, qui est ami?» La musique, en effet, est ce qui unit les trois amants-amis (on se gardera de lever le suspense sur cette relation triangulaire): celle qu’écoutent Charlie et Guido, celle que joue Aviva (elle est violoncelliste). Et la musique des mots. Curt Leviant est un démiurge redoutablement doué: en donnant la parole à chaque personnage, qui raconte la même histoire de son point de vue, puis en adjoignant au roman un «répertoire alphabétique», il réussit à transformer une friandise en un grand moment de littérature…
Méditation sur le plaisir, l’envie, le désir, mais aussi sur le temps qui passe et nous broie, Journal d’une femme adultère est une étude de caractères ludique plus que lubrique, comme on en écrivait au Grand Siècle. L’oeuvre d’un moraliste qui nous épargne la moraline, jongle avec l’humour et met à nu les ressorts du désir. Franchement, on en redemande.
François Busnel L’express